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Le Brahmapoutre

Une nouvelle guerre hydroélectrique entre l’Inde et la Chine

Sans se soucier des risques environnementaux futurs, la Chine et l'Inde se sont lancées dans la construction de barrages sur le Brahmapoutre et ses affluents pour générer d'énormes quantités d'électricité. L'Inde s'inquiète de la construction par la Chine du barrage de Zhangmu (510 MW) suivi de 3 autres en amont sur le Yarlung Tsangpo (affluent majeur, mais qui ne représente que 20% de l'apport en eau du Brahmapoutre). Le gouverneur de l'Arunashal Pradesh – région indienne à la frontière tibétaine – a dénoncé dans les médias un assèchement du fleuve et accuse son voisin chinois. Des nationalistes indiens sont même allés jusqu'à brûler un drapeau chinois à Guwahati en Assam. Tout semble accuser la Chine de monopole sur l'eau.

En Inde, la situation semble beaucoup plus complexe. Le gouvernement a récemment approuvé la construction d'un barrage de 2700 MW à Rottung et celui de Low Subansiri (2004) en Arunashal Pradesh, qui devrait être le premier d'une longue série (plus de 150 sont planifiés). Au total, l'Inde prévoit de générer plus de 50 000 MW d'électricité d'ici à 2020 et ainsi couvrir 10% des besoins du pays. Hélas, sans considération pour les populations locales. Des voix se sont élevées quand le conglomérat d'entreprises en charge de la construction a offert de l'alcool et même de l'opium aux populations tribales. En effet, ils y ont développé une dépendance et n'ont plus assisté aux débats publics. L'Arunashal Pradesh a été préservé du monde extérieur et n'est ouvert que depuis quelques années aux indiens, mais reste revendiqué par la Chine. Des leaders, comme Keshoba Chatradhara « Bhai » en Assam et Egul Padung en Arunachal Pradesh, ont su se faire entendre en organisant des barrages routiers et des manifestations pour dénoncer la corruption et la destruction de leurs terres ancestrales pour la construction de barrages et de routes (pour amener le matériel). Par ailleurs, les risques d'inondation et d'érosion sont très importants en aval des barrages. Selon l'activiste Egul Padung, le barrage va libérer trois fois par jour environ 3500m3/s durant 2 ans…une calamité pour l'agriculture !

Les populations tribales d'Arunashal Pradesh (Adi Minyong, Idu-Mishmi, …) vont bien sûr avoir de l'électricité, des routes pour leurs commerces et des emplois pour les jeunes, mais également subir d'énormes changements environnementaux et sociaux (prostitution, drogues,…).

L'unique développement positif avec les barrages semble être la régulation des crues dévastatrices du fleuve qui grignotent chaque année l'île de Majuli en Assam. C'est la plus grande île fluviale au monde mais elle a déjà perdu plus de 70% de sa taille en 100 ans. Selon les experts, l'île est amenée à disparaître d'ici 15 à 20 ans, tout comme ses Satras, des monastères hindous uniques au monde.

Il reste toutefois un problème majeur : ni la Chine, ni l'Inde ne semblent se soucier du Bangladesh et de sa part d'eau venant du Brahmapoutre avant qu'il ne se jette dans l'océan indien. Combien d'eau restera-t-il après la construction de tous ces barrages pour l'un des pays les plus pauvres au monde, déjà touché par la montée des océans liée aux changements climatiques ? Si on ajoute à cela la construction du « Mur frontière » par son voisin indien, le futur semble bien sombre.

IMPORTANT:

Indiens brulant drapeau chinois

Photo: Biju Boro

Sur internet, toutes les informations circulent. Les vraies comme les fausses. Les témoignages comme l'intox. Ainsi, cette photo récupérée sur la toile montrant des Indiens brûlant un drapeau chinois. Après vérification sur le terrain, il s'agit d'une image de propagande, destinée à encourager la construction de barrages contre un ennemi imaginaire, et à fédérer la population indienne autour de ce projet.

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Carte de l'Inde.

Le Brahmapoutre fait 2900 km de long et prend sa source à 5000 m d’altitude dans l’Himalaya près du Mt Kailash au Tibet (Chine).

GEO - Le Nil

FLEUVES FRONTIERES
Editions de La Martinière
Disponible en librairie

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